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Hollande et le contrat de confiance – La Tribune.fr

Ce qui ne sont pour l’instant que des « paroles, paroles, belles paroles » suffiront-elles, par la magie d’une conférence de presse présidentielle à convaincre les Français « d’acheter » le pacte de responsabilité proposé par François Hollande. Ce mardi 14 janvier, le président de la République s’est adressé directement aux Français, pour les interpeller, les mobiliser, les bousculer et tenter de les rassembler autour d’un principe simple : rétablir le contrat de confiance qui doit unir un pays au nom du seul objectif économique qui vaille, l’emploi. Pour le chef de l’Etat, ce qui est en jeu, c’est de définir « un grand compromis social », selon lui peut-être « le plus important compromis proposé à notre pays depuis des décennies ».

La social-démocratie assumée

L’intention est bonne, même si on peut regretter que ce pacte intervienne bien tard, plus de 18 mois après son accession au pouvoir, et après bien des errements, des tergiversations et des paris hasardeux. Surtout, malgré l’urgence du calendrier fixé par un président obligé de clarifier son positionnement le dos au mur, il reste encore bien flou, sur les modalités et le financement. De quoi patienter quelques mois, le temps de passer les élections intermédiaires, diront les sceptiques ou les cyniques.

Ce qui est en jeu, à travers ce pacte, c’est non pas un quelconque tournant, mais bien un approfondissement de la politique de l’offre sociale-démocrate que François Hollande tente de proposer au pays depuis la parution du rapport Gallois et sa conversion tardive à l’automne 2012 à la nécessité d’un choc de compétitivité pour rétablir une économie française éprouvée par six années de crise, depuis 2008.

Des moyens limités

En fait de pacte, le chef de l’Etat dispose cependant de bien maigres munitions. S’il reprend au vol la demande du patronat (qui parle lui de pacte de confiance) d’une suppression des 30 à 35 milliards d’euros de cotisations des employeurs à la branche famille de la sécurité sociale, ce chiffre, on l’a bien compris, inclus en réalité les 20 milliards d’euros déjà dévolus au crédit d’impôt compétitivité emploi conçu dans la foulée du rapport Gallois et qui doit monter en puissance jusqu’en 2015 pour représenter alors 6% de baisse du coût du travail pour les emplois rémunérés en-deçà de 2,5 Smic.

10, peut-être 15 milliards d’euros de plus sont donc mis sur la table, sous un format encore incertain, soit d’une refonte du CICE, voire son reprofilage, soit d’un allégement direct des charges sociales. François Hollande l’a bien précisé, le périmètre de ce pacte concerne bien « l’équivalent » des cotisations patronales famille, crédit d’impôt compétitivité emploi compris.

Pour le patronat, qui réclame de son côté sans vergogne 100 milliards d’euros d’allégement des charges, et des impôts, le compte n’y est pas, même si, à n’en pas douter, Pierre Gattaz ne manquera pas de saisir la balle au bond pour entrer dans la négociation.

Hollande place la barre très haut avec la gauche

Avec la gauche, la bataille promet d’être plus difficile pour François Hollande, accusé de mener au mieux la politique de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, voire même d’être un vrai libéral déguisé sous le masque du social démocrate qu’il a assuré être. Ce dont il s’est défendu avec vigueur… C’est pour cela que pour imposer son pacte de responsabilité, le chef de l’Etat a non seulement fixé un calendrier très court, dicté par l’urgence, mais aussi prévenu qu’il engagera la responsabilité de son gouvernement, en mai prochain, lors d’une grande conférence sociale de printemps censée apporter des réponses au choc annoncé hier : choc sur le coût du travail, pour relancer l’embauche, choc de simplification pour lever les contraintes sur les entreprises, notamment les TPE/PME, et enfin choc sur la sphère publique, appelée à se reconfigurer.

D’ici là, « à chacun de prendre ses responsabilités », a averti François Hollande qui met en somme toutes les parties prenantes, entreprises, patronat, syndicats, parlementaires de sa majorité, et élus locaux au pied du mur. Pour rendre politiquement acceptable son pacte, le président de la République a donc placé, au moins dans les mots employés, la barre assez haut en terme de contreparties. L’Etat, mais aussi les collectivités locales (régions et départements dont les compétences seront dit-il clarifiées) et le système de protection sociale sont appelés à faire un effort important pour financer, par des économies (au moins 50 milliards sur les trois prochaines années) l’allègement du coût du travail et la réforme fiscale annoncée, avec en ligne de mire la poursuite de la réduction des déficits publics selon le rythme annoncé à Bruxelles et à terme, permettre une trajectoire de baisse des impôts des ménages comme des entreprises. La redistribution, c’est pour 2017. D’ici là, les Français sont appelés à consentir encore des sacrifices, sans remettre en cause le modèle social.

Entrer dans un nouveau cercle vertueux

Mais les entreprises ne seront pas en reste car les « contreparties » qui seront exigées en échange de ces allégements de charges sont dans l’affichage au moins importantes : rien de moins que des objectifs chiffrés d’embauche, d’insertion des jeunes et d’emploi des seniors, des engagements aussi en terme de rémunération et de dialogue social. Ce tant au niveau national qu’au niveau des branches professionnelles. Le Medef, qui affirme possible si les conditions sont réunies de fixer l’objectif de créer 1 million d’emplois net en cinq ans, est donc attendu au tournant.

Dans « pacte de responsabilité », les deux mots sont importants : le pacte évoque le contrat loyal librement consenti entre les différentes parties. La responsabilité, elle, fait référence à l’intérêt réciproque qu’elles ont à respecter l’accord. A l’Etat de se réformer, dans toutes ses composantes, pour générer suffisamment d’économies pour réduire les frais généraux de notre modèle social, sans le détruire pour autant. Aux entreprises de profiter de la reconstitution de leurs marges pour investir et recréer des emplois en France, ce qui générera de la croissance, des recettes nouvelles et fera baisser les déficits, la dette. Bref, ce pacte de responsabilité, c’est tout à la fois le pari et l’espoir de faire rentrer la France dans un nouveau cercle vertueux.

Hollande prêt à prendre des risques

Le chantier est en apparence titanesque, mais il ne peut s’envisager que dans une mise en œuvre progressive. Le choc de simplification promis aux entreprises, la reconfiguration du millefeuille administratif local avec la réduction du nombre de régions et de départements, la réforme de l’hôpital et la remise à plat des dépenses de santé abusives (par un nouveau parcours de soin) ne se feront pas en un jour, ni même en six mois.

La nouveauté, car il y en a une apparu avec cette conférence de presse dont on peut créditer François Hollande, c’est que le président de la République a décidé de s’y impliquer personnellement. Et qu’il est monté seul en première ligne, prêt à prendre ses risques. Au risque de se renier ou de renier ses convictions ? C’est ce qu’une partie de la gauche nostalgique d’un socialisme de la demande ne manquera pas de lui reprocher.

Quelle alternative ? 

Pourtant, au fond, ce à quoi on a assisté ce mardi 14 janvier, et c’est peut-être ce qui fera de ce jour une date historique dans l’histoire de la gauche française, c’est à l’aggiornamento du logiciel économique et social d’un président tellement isolé, décrédibilisé y compris par ses propres histoires personnelles, qu’il a décidé de brûler tous ses vaisseaux pour s’adresser directement au peuple français et à sa capacité de rebondir. L’opinion, que l’on dit dans une « dépression collective » selon le dernier baromètre du Cevipof, n’y semble pas opposé. Un récent sondage montre que les trois quart des Français sont favorables à cette démarche du pacte de responsabilité. Après tout, on n’a peut-être pas tout essayé pour vaincre le chômage, alors pourquoi pas un « contrat de confiance » comme le professe un célèbre distributeur d’électroménager…

Car finalement, quelle est l’alternative ? Augmenter encore la dépense publique, les déficits et la dette ? François Hollande l’a clairement rejeté, en réaffirmant plus fortement que jamais ses choix européens et promettant de nouvelles initiatives fortes avec l’Allemagne pour février prochain.

Dés lors, c’est la France elle-même qui est attendue au tournant pour sortir du « déclassement » auquel elle semble s’être condamnée inexorablement. Et sur ce terrain, François Hollande est désormais condamné à  obtenir enfin, des résultats. Car c’est sur ceux-ci seulement, il en est convaincu que les Français le jugeront, en 2017, et peut-être même, s’il échoue, avant…

 

Source Article from http://www.latribune.fr/opinions/editos/20140114trib000809473/hollande-et-le-contrat-de-confiance.html
Source : Gros plan – Google Actualités

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