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Homo, hétéro, bi… je ne sais plus où j’en suis – L’Etudiant Educpros

« Le problème, c’est que je ne sais pas. J’ai eu un plan avec un garçon de ma classe en seconde, et, cette année, je suis amoureux d’une fille avec qui je suis bien. Mais comme j’ai eu cette histoire avant, je me dis qu’un jour je serais attiré par un mec et ça me stresse un peu, même beaucoup. » Louis, 17 ans, en première ES au lycée Saint-Just à Lyon, tourne et retourne les questions dans sa tête, sans trouver de réponses. « Je suis indécis et je me prends la tête, c’est mon gros défaut. Impossible d’en parler à mes parents, qui ne comprennent rien, ni aux amis. En même temps, je me dis que si ça va avec ma copine, c’est frais… »

Louis a l’impression de ne pas savoir ce qu’il est. C’est grave, docteur ? « Pas le moins du monde, c’est normal à son âge. L’adolescence est une période pendant laquelle on teste sa personnalité, on fait des expériences, on cherche, explique Audrey Louisin, psychologue au Refuge, une structure qui héberge et accompagne les jeunes, victimes d’homophobie.

 


Interrogez vos meilleurs amis

À 16 ans, Aleksandra, en seconde au lycée Albert-Camus à Nîmes, est une jeune fille très mûre. Elle tient un journal de ses états d’âme. « La visite du Planning familial m’avait plu et m’a impressionnée. Le langage était direct ; je n’avais jamais entendu ça de la part d’adultes. Mes parents n’osent pas aborder la sexualité, alors je me suis fait ma liste de questions. J’y réponds d’abord à l’écrit, je note tout, puis j’interroge mes meilleurs amis. »

En vrac et dans le désordre, en voici quelques-unes : combien de films pornos as-tu vu ? Es-tu sorti(e) avec une fille (si tu es une fille) ou avec un garçon (si tu es un garçon) ? Qu’as-tu ressenti ? T’a-t-on déjà obligé à faire quelque chose ? Comment te vois-tu dans dix ans, et dans vingt ans ? Marié, en couple, avec des enfants ? « Je complète mes écrits de réflexions, de citations et d’extraits de livres ; en ce moment, c’est l »Insoutenable Légèreté de l’être’, de Milan Kundera. J’y puise des questionnements, des sujets relatifs aux relations entre hommes et femmes », poursuit Aleksandra, qui se dit « en quête ».

 


Assumez vos désirs

Des questions, Nolwenn, 23 ans, en master 1 finances à l’université Paris-Dauphine, s’en posait pas mal à 15 ans, et elle continue. « Je me sentais différente de mes copines, se souvient-elle. J’étais cataloguée ‘intello’ parce que je lisais et que je me passionnais pour la mythologie. Je sortais avec des filles qui n’étaient pas dans mon lycée. On essayait de me mettre dans une case, homo par exemple. Mais je ne rentrais pas dans ce jeu, parce que j’ai toujours voulu rester libre. » Aujourd’hui, elle ne souhaite toujours pas savoir. « D’ailleurs, savoir quoi ? Nous avons des désirs, et alors ? » Elle ne souhaite pas être citée comme « bisexuelle », mais comme une « femme de son temps, sans tabous. Féministe, ça oui. »

Laure, 21 ans, étudiante à Sciences po Lyon, conseille de ne pas s’emballer : « Je sortais avec une fille à 15 ans, avec un garçon à 17, et je vis en couple avec un homme aujourd’hui. Heureusement, que je n’avais rien annoncé à ma famille, vous imaginez leur réaction ? Notre intimité ne regarde pas nos parents, c’est personnel ! »

 


Fuyez les étiquettes

« Les questionnements sur son orientation sexuelle sont courants à l’adolescence. C’est normal de se sentir décalé par rapport à une supposée norme, entre guillemets, rassure Audrey Louisin. Il est inutile de vouloir se coller une étiquette – ou en coller une aux autres. Il faut se laisser le temps de faire ses expériences et peut-être, mais ce n’est pas sûr, ce sera plus clair plus tard. »

Pour la professionnelle, rien ne sert, par conséquent, de se précipiter pour annoncer son homosexualité. Les débats, violents, sur la loi sur le mariage pour tous ont ouvert la voie à toutes les dérives. Les propos homophobes ont fait irruption et chacun avait un avis sur la question. « Il y a eu des amalgames terribles », s’insurge Denys Bernard, bénévole au Refuge, qui anime des séances d’information dans les établissements scolaires sur le thème : « L’homophobie ne recule pas, au contraire ». Des études épidémiologiques montrent que les jeunes homosexuel(le)s (de 16 à 39 ans) avaient treize fois plus de risques de faire une tentative de suicide que leurs camarades hétérosexuel(le)s. « Dans le milieu scolaire, c’est horrible, dit-il, les injures, comme ‘sale pédé’, font partie du langage courant. Les jeunes se sentent touchés en tant que personnes et n’ont aucun recours. »

 


Faire son coming out ?

À 18 ans, Pablo, en terminale L au lycée Edgar-Poe à Paris, préfère assumer. Il a même décidé du jour de l’annonce à sa famille : à 16 ans. « C’était un dimanche, j’avais choisi le déjeuner de mon anniversaire, il y avait des cadeaux, une bonne ambiance, avec mes petites sœurs, raconte-t-il. Je voulais leur annoncer au dessert, mais j’étais impatient, je leur ai dit avant : ‘Voilà, je suis homo.’ Mes sœurs le savaient depuis quelque temps, elles ne voyaient pas le problème. Je craignais plus la réaction de mes parents. Et… ils ont été géniaux. Ma mère m’a dit : ‘Ah oui ? Et tu es heureux ?’ Mon père m’a souri, il était plus choqué, étonné peut-être. Il est resté silencieux, comme s’il me voyait pour la première fois, puis il m’a dit : ‘OK, c’est ta vie.' » Au final, Pablo, qui avait préparé un argumentaire sur son indépendance, sa majorité sexuelle, la liberté, a remballé son discours et le repas a continué.

Alexandre, 23 ans, employé dans un sauna, a fait son coming out à 14 ans. Installé dans la pièce à vivre du Refuge de Paris, où il vient discuter avec les jeunes qui ont besoin de parler, il se doutait que la nouvelle ne ferait pas plaisir à sa famille : « Ils ont été odieux, homophobes et méchants. Le climat était déjà tendu, parce que ce sont des gens maltraitants. Mais là, c’était devenu irrespirable, alors un jour, à 15 ans, je suis parti. J’ai pris quelques affaires et je suis allé à la gendarmerie. J’ai été placé dans un foyer, puis dans une famille d’accueil. » Son histoire est singulière, et tous les vécus sont différents. Mais, avec le recul, Alexandre conseille de « tâter le terrain avant d’y aller franchement, en disant par exemple : ‘Que diriez-vous si j’étais homo ?’ C’est prendre un peu le pouls de la situation, pour avoir un avant-goût et anticiper la suite ! »

 


Ne restez pas seul(e)

Quoi qu’il en soit, homosexuel(le) ou pas, dès lors que vous vous sentez décalé(e), déprimé(e), différent(e) et malheureux(se) – cochez les cases ! –, il ne faut pas rester dans votre coin, en attendant que cela passe. « J’étais en seconde, j’allais mal. Je m’énervais contre tout le monde, parce que je me sentais incomprise. Je venais de rompre avec ma copine et j’étais perdue, personne ne savait, se souvient Chloé, 17 ans, en terminale S au lycée français de Bruxelles. J’ai parlé à une surveillante, qui m’a accompagnée chez l’infirmière. C’était peu mais beaucoup aussi. Maintenant ça va, j’arrive un peu plus à me confier. »

« Ce qui est important, c’est d’avoir un référent, une personne de confiance à qui poser des questions, souligne Jocelyne Robert, sexologue et auteure de ‘Full sexuel, la vie amoureuse des adolescents’ (Éditions de l’Homme). Les parents ne sont pas toujours les mieux placés, parce qu’il y a une charge émotionnelle – bien normale ! Ils n’ont pas la distance nécessaire et risquent de dramatiser. » Or, il n’y a pas de quoi. Tournez-vous vers un adulte et parlez-lui. Ce qui vous arrive, arrive à d’autres adolescents. Vous avez des désirs, des fantasmes qui vous inquiètent ? La sexualité est une expérience qui évolue. Une chose est sûre : le désir amoureux change tout le temps. Et c’est très bien.

 


L’avis de Thérèse Hargot, philosophe et sexologue, auteure d' »Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque) »(Éditions Albin Michel).

« Tout est possible dans la vie » »L’acte sexuel entre personnes du même sexe a toujours existé. Ce qui est nouveau, c’est d’en avoir fait une identité. Au XIXe siècle, l’homosexualité était considérée comme une maladie. En réaction, et c’est compréhensible, on en a fait une affirmation pour lutter contre les discriminations. C’est donc devenu une affirmation de soi : ‘Je suis homosexuel(le), point.’ Derrière cette revendication, il y a une stratégie, comme un cri du cœur. Le message est de dire à la société, à votre famille, à vos amis : n’essayez pas de me changer, j’ai ces désirs, c’est ainsi. Cette revendication est importante, c’est beau, mais le problème est de vous coller une étiquette. Or, tout est possible dans la vie.L’orientation sexuelle n’est pas une identité. Il serait plus intéressant et plus simple d’employer le verbe ‘avoir’ plutôt que le verbe ‘être’. Chacun a des désirs, ils évoluent. C’est la clé de la lutte contre l’homophobie. »




Source Article from http://www.letudiant.fr/trendy/myself/ma-sante-ma-sexo-moi/homo-hetero-bi-je-ne-sais-plus-ou-j-en-suis.html
Source : Gros plan – Google Actualités

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