La visite d’Etat en France du secrétaire général du PCC et président de la République Populaire de Chine, Xi Jinping, marque le cinquantième anniversaire de la reconnaissance de la RPC par le général de Gaulle. La diplomatie a besoin de symboles, mais c’est surtout sa visite à Bruxelles qui importe au regard des enjeux économiques. C’est au niveau européen que nous devons protéger nos entreprises et nos intérêts. C’est là que nous devons faire preuve d’une grande fermeté.
De moins en moins d’obligations pour la Chine
Les Européens se vantent qu’un chef d’Etat chinois vienne pour la première fois rencontrer l’exécutif européen, en particulier à l’aube de la mise en œuvre du plan stratégique Europe-Chine 2020. On pourrait être fondé à se demander si un nouveau plan stratégique qui comporte encore moins d’obligations exécutables que les promesses faites par la Chine pour négocier son accession à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), pourrait changer quoi que ce soit aux relations économiques sino-européennes.
D’innombrables signes de protectionnisme
Si l’accession de la Chine à l’OMC a permis au consommateur européen de profiter plus encore des faibles coûts de la main d’œuvre chinoise, et donc d’augmenter sa consommation sans accroissement de revenu, la Chine s’est bien réservée d’accorder aux entreprises des Etats-membres l’accès libre promis à ses marchés intérieurs. Il n’y a eu, en fait, quasiment aucun changement dans le paysage réel des affaires en Chine. Les signes de protectionnisme sont innombrables, nourris par des conditions de licence, par exemple, qui continuent de faire obstacle à la libre installation de sociétés étrangères pour les professions et activités réglementées. L’espoir des Européens de forcer la Chine à adopter un modèle plus démocratique, basé sur la règle de droit, ou au minimum d’offrir à leurs exportateurs et investisseurs un environnement équitable, a été trahi par la pratique.
En outre, au nom du développement, les autorités chinoises protègent très largement les responsables avérés de fraude, de vol de propriété intellectuelle ou de concurrence locale déloyale. Avec un bilan abyssal en ce qui concerne le respect de sa parole, la Chine accordera-t-elle plus de valeur au texte du plan stratégique ? Le doute est permis.
Comment Siemens et Caddie ont été grugés
Les exemples de Siemens et de Caddie, pour ne citer qu’eux, démontrent la faiblesse des Européens, aussi gourmands qu’illusionnés devant les promesses du grand marché chinois. Siemens a du transférer sa technologie de train à grande vitesse et former mille ingénieurs locaux, contre une promesse du gouvernement chinois de laisser la société allemande équiper le reste du territoire. Une promesse d’accès au plus grand marché du monde, sans aucun doute. En fait d’accès pour Siemens, le reste du territoire chinois est en train d’être équipé avec la technologie qui a été transférée, et ce sans aucun autre revenu ou avantage pour la société allemande, qui s’est créé un concurrent qu’elle rencontre maintenant sur les marchés mondiaux.
Caddie s’est fait voler non seulement son usine, ses machines, son argent, mais aussi son nom en Chine. Alertées, les autorités chinoises ont pris le parti de ne rien faire, ouvrant la possibilité d’une collusion entre la police locale et les malfaiteurs. Cette attitude changera-t-elle avec la signature d’accords ou des visites officielles ?
Des replis fugaces pour des retours fréquents
Prenons un peu de recul et analysons l’état d’esprit chinois, très difficile d’abord pour les Occidentaux dont l’appréhension de l’empire du Milieu est façonnée, en général à leurs dépens, par la philosophie de l’Etat de droit et du droit des gens. La pensée tactique chinoise favorise des prises rapides, des victoires faciles, des replis fugaces pour des retours fréquents. C’est la même approche qui se retrouve dans la façon dont la Chine érode les positions des entreprises européennes en Chine et dans le monde.
Un harcèlement digne de la guérilla à la Mao
Or, ce harcèlement digne de la guérilla à la Mao n’offre pas de front défini sur lequel nos législateurs, desservis par leur logiciel occidental, pourraient se battre. Et il est clair que, sans réaction concertée des autorités européennes et américaines, les autorités chinoises continueront à favoriser cette approche opportuniste, ainsi que celle des entreprises de ce pays. Pourquoi ne pas prendre la technologie offerte sur un plateau? Sans coût de recherche et développement et avec des coûts de fabrication moindres pour les Chinois, les concurrents européens n’ont plus d’espoir de compétitivité sur aucun marché.
Les Américains osent dénoncer les agissements chinois
Pourquoi ne pas s’accaparer les investissements restés sans surveillance ? Vu que l’attitude du gouvernement chinois consiste à ne pas pénaliser ses propres entreprises ou ses nationaux, il convient d’agir pour rétablir un équilibre concurrentiel acceptable. Les entreprises européennes et américaines ont la responsabilité de mettre en place de vraies défenses contre les fraudes dans leurs systèmes d’information. Mais les gouvernements occidentaux n’en doivent pas moins soutenir leurs exportateurs et investisseurs de la manière la plus ferme possible. Aux Etats-Unis la dénonciation des agissements chinois dans les milieux d’affaires et au Congrès est plus forte qu’en Europe. Sans appui de leurs gouvernements, sans riposte au niveau étatique, les entreprises étrangères continueront à ne pas bénéficier d’un système adéquat pour fonctionner en Chine. Pousser à la mise en place d’un système équitable serait profitable non seulement aux entreprises étrangères, mais aussi, à moyen terme, aux les Chinois eux-mêmes.
Cesser la tendresse face à Pékin
Les gouvernements occidentaux doivent cesser d’être tendre face à Pékin. L’inclusion de la Chine comme « partie prenante responsable » du système international, selon la formule de l’Américain Bob Zoellick, a révélé une complète asymétrie dans les attitudes respectives au plan des intérêts économiques et commerciaux, où les entreprises occidentales sont malmenées. Traiter un pays avec respect, comme un égal, consiste avant tout à exiger d’être respecté de la même manière. Traitons la Chine avec le respect que nous lui devons, et que nos gouvernements défendent mieux nos entreprises au lieu de laisser ronger notre compétitivité.
Stéphane J. Grand, docteur en droit, fondateur du cabinet SJGrand Financial and Tax Advisory, vit en Chine depuis vingt ans. Il enseigne la gestion des affaires en Chine à l’Université catholique de Louvain, à l’ESSEC et à l’Université de l’Illinois.
Yannick Mireur, ancien enseignant aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, est l’auteur de Le monde d’Obama (Choiseul, 2011), où il analyse notamment le défi chinois pour les Etats-Unis. Il publie au printemps Hausser le ton ! Pour élever le débat français (Apopsix, 2014).
Source Article from http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140327trib000822248/soyez-fermes-vis-a-vis-de-la-chine.html
Source : Gros plan – Google Actualités
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